Indiegogo se décide – enfin – à faire le ménage dans ses financements

Indiegogo veut changer ses pratiques et se mettre à surveiller d’un peu plus près ses campagnes de financement. Preuve qu’Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Je n’aime pas Indiegogo pour une bonne et simple raison, c’est devenu un repère d’escrocs en puissance qui se servent de la plateforme pour voler de l’argent à travers la planète le plus simplement du monde.

Avec Indiegogo c’est simple, vous prenez un produit commercial, vous collez une étiquette dessus et vous le proposez à un prix délirant en écrivant une jolie histoire derrière. Vous lancez une campagne de publicité pour votre financement en envoyant quelques exemplaires de « votre » produit à droite et à gauche et en même temps vous promettez du clic facile à des sites web qjui s’empresseront de reprendre votre jolie histoire associée à un « bon plan »… et vous voilà en train de récolter des sommes assez folles en quelques jours. Et puis ? Et puis vous disparaissez dans la nature avec des centaines de milliers de dollars, évidemment.

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Mieux encore, si vous lancez une campagne avec un montant de financement élevé en employant la méthode flexible que propose Indiegogo, vous n’avez pas à rembourser les personnes qui ont investi leurs économies dans votre projet, même si celui-ci n’est pas viable par manque de moyens. On l’a vu et revu au fil des années avec de nombreux financements bidons ou détournés du principe même du concept participatif, la plateforme est devenue un vrai repère d’arnaqueurs en puissance.

Indiegogo est un véritable repoussoir pour moi. Même pour les projets que je sais honnêtes. Ces derniers temps, la plateforme s’est littéralement concentrée sur deux usages précis à mes yeux. Le premier est d’être la voiture balai des projets, légitimes ou non, refusés par Kickstarter. Le second est de devenir une solution de financement de produit commercial classique dont l’unique objectif est de faire reporter le risque financier des épaules de la société productrice vers celles de ses clients potentiels. 

Minimachines-11-2021Cela pourrait changer, du moins c’est la volonté d’Indiegogo qui semble vouloir enfin mettre le nez dans la poubelle de ses campagnes actives. 

La plateforme va modifier sa façon de travailler, passant d’une « solution technique » ouverte à tous, à un vrai rôle de surveillance et d’analyse des campagnes proposées. Une « surveillance manuelle » de chaque campagne sera ainsi opérée dans le futur. Un moyen de s’assurer, par exemple, que le produit n’a pas été au préalable annulé par une autre plateforme de financement parce qu’il s’agit d’un scam pur et simple comme c’est arrivé de nombreuses fois avec le portail.

Will Haines, qui se targue du titre ronflant de Vice Président de la confiance produit et utilisateur de la plateforme se réfugie derrière une certaine candeur pour expliquer leurs méthodes de fonctionnement jusqu’alors. Expliquant qu’à son lancement en 2008 les utilisateurs voulaient surtout un moyen technique et non pas une surveillance des projets. En 2021, bientôt 2022, les choses auraient changé… Expliquer qu’il aura fallu plus de 13 ans pour se rendre compte que les gens aiment quand même un peu leur argent et que le rôle d’une solution qui va gérer le leur est également de les protéger, me parait aller au delà de la candeur. C’est de l’incompétence ou de la malhonnêteté intellectuelle.

Ses remarques sont hallucinantes : « Le financement participatif n’est pas du Shopping – les gens comprennent généralement cela désormais – mais cela ne doit pas non plus être un saut dans l’obscurité. » déclare t-il. « Les utilisateurs comptent sur les plateformes pour  être un espace de confiance sûr. » Evidemment, si un risque demeure dans le financement participatif, il doit être pris en raison de la nature même d’un tel projet, et non pas parce que la porte est ouverte à tous les pires margoulins de la planète. « Les investisseurs ont besoin des outils pour prendre la bonne décision » ajoute t-il. 

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Le « respirateur » Triton

Indiegogo prévoit donc de surveiller ses campagnes mais également de s’assurer auprès des entrepreneurs de la viabilité de leurs idées. Cela veut dire que des projets totalement irréalistes comme la campagne Triton, publiée sur Indiegogo, et qui défiait toutes les lois de la physique, ne pourraient plus être proposées à l’avenir… Des campagnes qui ont réussi par le passé a récolter plus de 830 000$ en quelques jours sans que personne ne s’émeuve du côté irréaliste de la chose.

Cette nouvelle politique démarrera d’abord dans une phase homéopathique. Quelques campagnes seront révisées manuellement avant que cela devienne la norme de publication sur la plateforme. Indiegogo compte bien mettre à profit ses utilisateurs pour surveiller et évaluer ses campagnes à risque. Ce « personnel » gratuit et nombreux étant souvent bien plus compétent techniquement au vu de l’étendue des sujets à traiter.

Les mesures prises à l’encontre des campagnes douteuses pourront varier. Cela ira de l’interdiction de lancer de nouvelles campagnes à des plaintes auprès des autorités si nécessaire1. Ces actions seront liées à l’encontre des campagne aux pratiques frauduleuses ou clairement mal intentionnées. Fin 2021, Indiegogo se présente donc comme une future plateforme où les entrepreneurs et les investisseurs pourront donner vie à leurs projets. Bref, de devenir ce que doit être un site de financement sain par définition dès sa création

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Ironie de la chose, la marque veut se présenter comme le champion de la lutte contre la fraude et lance un label, associé au site GoFundMe. Label qui garantira les meilleures pratiques en tant que plateforme de financement participatif. Comme si d’autres sites avaient attendu Indiegogo pour faire leur boulot décemment et refuser ou stopper des dizaines de campagnes par le passé. C’est un peu comme si un chauffard invétéré se présentait comme le porte étendard de la conduite mesurée juste à la sortie de son stage de récupération de point de permis. Le type qui colle un sticker « respectons le code ensemble » sur sa vitre arrière en faisant les gros yeux au type qui conduit bien depuis toujours mais qui n’a pas de sticker…

La nouvelle alliance n’a pas encore osé inviter Kickstarter à les rejoindre mais les y encourage ainsi que toute autre plateforme de financement de ce type. Evidemment, Indiegogo aurait tout à y gagner mais je ne suis pas certain que les bons élèves aient très envie de s’associer au cancre qui promet seulement de faire mieux. Plus tard. 

Will Haines annonce que « c’est dans l’intérêt de tout le monde de conserver la réputation des plateformes » et qu’en agissant comme Indiegogo promet de le faire, ils verront une large réduction des arnaques. « Si il n’y avait plus aucun endroit où les escrocs puissent aller, ce serait fantastique ». Un aveu complet qui décrit bien la situation de sa société actuellement. Ils n’ont pas fait de travail de surveillance, ils se fichaient totalement de leur réputation et ils étaient l’endroit idéal pour monter une arnaque mondiale.

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Le président de GoFundMe semble, de son côté, avoir fait la découverte du principe des mafias en indiquant, je cite « je vais être honnête, vous savez, beaucoup de mauvaises personnes collaborent très efficacement, alors il faut que les plateformes collaborent également et partagent leurs méthodes, technologies et ressources ». Le crime organisé a depuis bien longtemps compris que le financement participatif était une méthode présentant un double intérêt évident. C’est d’abord un moyen de voler de l’argent simple et sans risque. Un investissement minimal pour des centaines de milliers d’euros récoltés à la clé. Mais c’est également un moyen fabuleux de blanchir de l’argent sale. Quitte à vendre des produits à perte, cela reste moins couteux que d’autres montages financiers de blanchiment. Je m’en suis rendu compte assez vite et je ne suis pas dans ce business particulier. Je trouve un poil étrange de tenir ce discours après tant d’années de fonctionnement.

Je ne suis pas sûr que les autres plateformes suivent l’alliance proposée par les deux entités. Pour ma part, en tant que client je ne serais pas certain de vouloir suivre un magasin qui s’associerait avec un site comme Wish au sein d’une plateforme commune de sécurité et de protection des acheteurs… Kisckstarter, Crowdsupply et bien d’autres font leur travail de vérification et de surveillance de leurs campagnes depuis des années et je trouve particulièrement culotté de vouloir leur donner des leçons au travers de ce type de « partenariat ».

Il m’est également avis que les outils, ressources  et techniques développées par Kickstarter doivent être bien plus intéressants que ceux pas encore mis en place par Indiegogo… Ce qui explique l’empressement de ce dernier à les voir partagés au sein de leur alliance…

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Que retenir de tout cela ? Indiegogo va t’il enfin être plus sain ?

C’est tout de même une bonne nouvelle et j’espère que les promesses faites au public seront tenues. Que les futurs escrocs se verront refuser leurs campagnes. Si le niveau de surveillance de la plateforme atteint celui de Kickstarter, ce sera évidemment bénéfique pour tout le monde. Pour autant, je vais encore laisser pas mal de temps avant d’oser investir un seul euro sur ce site. Le temps d’avoir des preuves que les promesses faites seront tenues.

Evidemment, cela n’empêchera pas le financement participatif de rester un système hasardeux. Les plans de base d’un projet peuvent évoluer en route et certains investisseurs, à 100% honnêtes, peuvent malheureusement voir leurs projets s’écrouler pour des raisons techniques ou économiques sans aucune malignité de leur part. Le risque est présent et il est lié au format même de ce type de financement. Mais le fait que site veuille minimiser les fraudes et limiter les risques reste une bonne chose. 

Source : The Verge

Notes :

  1. La plupart des scammeurs utilisent de fausses identités avec des sociétés bidons enregistrées dans des sociétés de gestion de boites postales…

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5 commentaires sur ce sujet.
  • 4 novembre 2021 - 17 h 54 min

    Dommage, cela faisait de chouettes articles. Mais bon, il faut faire confiance aux prochains escrocs, pour preuve la crypto Squid ne venait même pas de Indigogo !
    En tout cas, grâce à un de tes articles je me suis mis sur Ulule pour le financement de Epsiloon et depuis j’ai participer à plusieurs projets qui feront de chouettes cadeaux de noel.
    Merci pour le boulot ! … Encore une fois.

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  • 4 novembre 2021 - 21 h 29 min

    @sourioplafond:
    Moi, Je serais curieux de savoir si le nom de cette plate-forme a eu tendance à plus rebouter les internautes francophones ; parce qu’il faut avouer qu’en français le nom de la plate-forme est conforme au but ;-)

    Répondre
  • 5 novembre 2021 - 1 h 18 min

    Hé bien si cela peut permettre à d’autres à ne pas se faire b***** comme j’ai pu l’être en participant au Mirabook de Miraxess…

    En même temps , on peut dire que je l’ai cherché… un « Mira-ge » sur un site de « gogo » …

    200 euros dans la nature cela fait suer quand même… Le pire c’est que je peux le commander sur Amazon, alors que mon exemplaire de « backer » n’est toujours pas envoyé.

    Je me demande si ma protection juridique ne pourrait pas dans ce cas intervenir…

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  • 5 novembre 2021 - 13 h 44 min

    Indiegogo avec le financement flexible était déjà très clair sur les risques.
    J’ai eu plus de déboires sur des campagnes Kickstarter aux promesses non-tenues que je ne les compte plus.
    Au point que j’ai abandonné tout support de projet, le chat échaudé craint l’eau froide.

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  • 5 novembre 2021 - 15 h 49 min

    @cinos: Je ne trouve pas cela très clair au contraire. C’est bien écrit en toutes lettres mais peu de gens prêtent attention aux mentions apparaissant de manière aussi cachée. Financement flexible ça laisse entendre que le financement sera souple ? Pas que le créateur de la campagne pourra garder l’argent pour lui en ayant zéro chance de finaliser le produit dès le départ.

    Si demain ton voisin se pointe chez toi en disant « prête mois 100€ pour que je puisse mener au bout un projet. Mais si je ne réunit pas la somme nécessaire, je ne te rembourse pas. » Et bien tu ne lui prêtera rien.

    Pour Kickstarter, comme pour tous les financement participatifs, il ya un risque. SI on n’est pas prêt à l’assumer, il vaut vraiment mieux ne pas y participer. La différence entre KS et IGG c’est que IGG, une campagne qui échoue ne donne pas droit à un remboursement. Sur KS si on ne récolte pas les fonds nécessaires et donc si on n’a pas l’argent indispensable à la réussite du projet, tout le monde est remboursé. Ce qu’il se passe ensuite est lié à la faisabilité du projet, plus à la plateforme en elle même.

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