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Sexo

Je suis artiste, sorcière, sirène, strip-teaseuse et je vis ma meilleure vie

Quand on a vu que Camille Ducellier sortait un documentaire appelé Sorcière Lisa, on a tout de suite été intriguées par le personnage. Et à raison : Lisa est sorcière, artiste, strip-teaseuse, sirène, lesbienne ; mais avant tout, Lisa est libre !

Je suis Lisa, j’ai 26 ans et je suis née sous le signe de la Vierge.

Au quotidien, je suis performeuse et artiste : je fais partie du collectif super saphique qui met en avant la culture dyke et queer, et est axé sur la performance et les arts visuels. Je suis également strip-teaseuse, voyante, sorcière, et étudiante en art… Mais je n’ai pas toujours été aussi libre.

Tout, dans cette société, me poussait à me restreindre

Je n’ai jamais vraiment été « dans les clous », dans une vie rangée, dans la norme. Mais tout, dans cette société oppressive, me poussait à me restreindre.

Je sentais un poids social qui m’empêchait d’être moi-même et de faire certaines choses : m’habiller comme je voulais, ou exercer le métier que je voulais par exemple. Le travail du sexe, à cette époque, était complètement hors de propos. Je n’aurais même jamais pu y penser. J’avais des boulots « normaux », j’étais satisfaite par ma présentation physique, mais sans plus.

En gros, j’étais aliénée, et il y a des choses que je ne pensais même pas à remettre en question.

Pourtant, je me sentais oppressée par le pouvoir patriarcal qui sévit dans notre culture, par le contrôle social sur ma sexualité et sur mon physique…

J’avais internalisé cette ambiance de merde, au point que je me surveillais énormément, parce que je savais que j’étais surveillée par les autres.

Je souffrais beaucoup du slut-shaming, et j’en avais extrêmement peur. Peur d’être jugée, d’être punie par les autres aussi : de la violence verbale et physique, j’en ai vécu beaucoup. En tant que femme, mais aussi en tant que lesbienne.

Le fait que je sois gouine ajoutait un poids sur ma sexualité, que la société pensait comme défaillante. Et puis, j’ai décidé de m’extraire de tout ça.

J’ai —  littéralement —  retrouvé la magie dans ma vie

D’un quotidien aliénant, entravé par des règles sociales qui m’oppressaient, je suis passée à un monde sans limites, sans barrières. Depuis, je peux vivre ma sexualité comme je veux, me présenter comme je veux, vivre comme je veux : les règles que je m’impose sont les miennes. La figure de la sorcière a joué un rôle très important dans ce changement. 

La magie est quelque chose qui nous attire plus ou moins toutes et tous dès l’enfance. En grandissant, cet intérêt s’efface dans notre monde régi par les sciences dures, et on abandonne une manière plus mystique de se connecter au monde.

Moi, j’y suis revenue quand j’ai rencontré des sorcières. Des personnes qui m’ont inspirée, et qui m’ont transmis leurs pratiques : la divination, les pratiques rituelles et ésotériques, et plus largement une autre manière de percevoir notre monde, en dehors de la destruction que propage notre société.

La sorcière, c’est celle qui vit selon ses propres règles

La manière de vivre qu’on nous impose est épuisante et empreinte de dureté. Pendant des années, mon quotidien était marqué par cette façon d’être morne, et rationnelle. Je m’en suis extirpée grâce à ces pratiques. Aujourd’hui, je fais de la divination, des lectures de tarot, de la voyance.  Avoir peuplé mon univers personnel de pratiques magiques, de choses qui ont trait aux mondes invisibles, ça me permet de mettre de la beauté dans ma vie et dans celle des autres.

Mais ce n’est pas tout : la sorcière, c’est aussi un symbole politique. C’est une figure qui est très reprise par les féministes actuelles, et un archétype d’empowerment. Les sorcières sont ces femmes qui sont en marge de la société, vivent selon leurs propres règles et pour cela, elles sont pourchassées. Me revendiquer sorcière, c’est affirmer au monde que je suis une de ses femmes, qui refuse ce qu’on essaie de lui imposer. C’est en m’inspirant de cette figure que j’ai réussi à me dire que je pouvais vivre comme je l’entendais.

« Moi aussi, j’ai envie de me désolidariser de l’être humain »

Dans mes études d’art, mon travail porte principalement sur les féminités et fictions queers. Leurs créations pensent au quotidien une autre façon de vivre, qui serait salutaire pour nous tous et toutes, axée sur des caractéristiques qu’on attribue habituellement au féminin — l‘empathie, la douceur, la sensibilité, les émotions… Dans ces mondes fictifs, il y a aussi une esthétique de la science-fiction : futuriste, post-apocalyptique, et surtout monstrueuse.

Cette esthétique du monstre, du mutant, de l’extra-terrestre, c’est une manière de se désolidariser de l’humanité

, d’exprimer un désaccord. Cette humanité que nous vivons maintenant ne convient pas à tout le monde. Nous ne voulons pas tous vivre dans un système basé sur la domination, l’épuisement des ressources, la destruction… Alors, les fictions queers disent : « ce n’est pas nous. » Être monstrueux, c’est dire que nous, on ne fonctionne pas comme ça, et proposer un autre modèle.

Ce que j’ai remarqué dans l’art des féminités queers, je l’ai remarqué dans mon art aussi. Je suis gouine, je suis queer, et j’ai envie de me désolidariser de l’être humain, et de proposer un autre modèle. De créer un modèle fictionnel qui viendrait d’un autre monde, qui rendrait caduc ce qui pèse sur les femmes aujourd’hui et ici. Un modèle sans slut-shaming, où on vivrait autrement… Mes créations sont une manière de dire « moi, ce monde-là ne me concerne pas : sur ma planète, ça n’existe pas ». Montrer qu’il est possible d’exister autrement, c’est aussi une stratégie pour pouvoir le faire.

Courtesy of Lisa Granado
Courtesy of Lisa Granado

Je suis une sirène, parce qu’elles sont belles et vénéneuses

C’est pour ça que je revendique la figure de la sirène. Les sirènes sont des déesses monstres, dans la lignée des fictions qui ne sont pas humaines.

Elles s’autorisent à avoir une féminité particulière : elles sont associées à une sexualité débridée dans beaucoup de cultures (ce sont notamment des déesses de fertilité), mais aussi à l’ingénuité, la douceur… Chez les humains, la douceur ou la fragilité sont souvent considérées comme des problèmes. Il faut être « réaliste », « fort », mais moi j’ai envie de revendiquer cette douceur !

C’est une fiction qui dit beaucoup de choses, un modèle de féminité protéiforme. Elle est d’une grande beauté, mais aussi vénéneuse. Son monde est candide, joyeux et fantaisiste, et en même temps démoniaque et monstrueux, car les sirènes sont aussi des tueuses.

Elles incarnent des femmes libres, libérées sexuellement, la fantaisie à l’état pur. On voit souvent les sirènes représentées avec un peigne et un miroir, comme une représentation de la superficialité, ce défaut qu’on impute si souvent aux femmes. Moi, je veux être au monde avec beauté, candeur et vanité. Je veux m’approprier cette superficialité. D’ailleurs, dans le documentaire Sorcière Lisa de Camille Ducellier, on me voit nager à Marseille avec une queue de sirène. On s’est dit que ce serait marrant, et en même temps, c’est un symbole qui m’inspire.

Je m’autorise à être sexy, sexuelle

Cette liberté sexuelle de la sirène est importante pour moi, parce que j’ai toujours aimé le « sexy », notamment dans ma manière de me vêtir. Quand j’exerçais encore des boulots normés, c’était compliqué d’avoir cette présentation et d’être différente en tant que femme. Aujourd’hui, je me sens bien plus libre de choisir comment je m’habille, mais la pression sociale reste très forte.

Dans mon travail au club de strip-tease, c’est quelque chose qui se ressent beaucoup. Le travail du sexe est une activité extrêmement stigmatisée et mal vue socialement : les personnes qui le pratiquent subissent d’avoir choisi une voie en total désaccord avec ce qu’on attend de la féminité. Le regard que les gens portent sur mon métier est dur, et celui-ci suscite énormément de passions différentes, de la colère à la pitié.

Ce qu’on attend des femmes, c’est qu’elles n’aient pas conscience de leur sexualisation, qu’elles soient sexualisées par les hommes sans jamais en jouer. Capitaliser là-dessus, l’utiliser pour en gagner de l’argent, c’est complètement à contre-courant des modèles de la féminité « classique ». C’est quelque chose que j’aime amener dans mon travail artistique, cet aspect très strip et très sexualisé, en montrant même temps le sexisme qui l’entoure. Parce qu’en normalisant cette sexualité, on peut se libérer, inspirer d’autres personnes, et enfin s’autoriser à être qui on est.

Se libérer, c’est aussi changer le monde autour de soi

S’autoriser à être qui on est, cela implique parfois de changer d’entourage. Pour me sentir libre d’agir comme je l’entendais, j’ai dû mettre fin à des relations qui exerçaient sur moi une surveillance toxique. Cesser de voir des gens qui me disaient que je ne pouvais pas coucher avec les personnes que je voulais, quand je le voulais, dans les quantités que je voulais. Des personnes pour qui il y a forcément un problème avec la sexualité des femmes : si tu baises trop, c’est un problème, si tu ne baises pas assez, c’est un problème.

Alors, un jour, j’ai coupé les ponts drastiquement.

C’est arrivé d’un coup : j’ai eu envie d’être moi-même, de m’assumer pleinement, de faire ce que je voulais, notamment de ma sexualité gouine. Évidemment, il y a eu un moment où j’ai été un peu seule, à me demander ce que j’avais fait… Et puis j’ai rebondi.

J’ai retrouvé une communauté, des amis qui me comprenaient vraiment, et j’ai trouvé mon bonheur là-dedans. Vivre à Paris m’aide assez, parce qu’il y a beaucoup de personnes tout à fait farfelues dans les villes ! Cela aide à trouver des cercles non-hostiles.

Il n’y a rien de mieux que d’être soi-même, et ensuite, l’entourage choisi suit. Ça permet même d’inspirer autour de soi. Voir que c’est possible de s’en foutre, ça libère les autres aussi ! Décider de vivre selon ses propres lois, ça invente forcément un nouveau système, un monde qui nous est propre. C’est aussi ça, être le changement qu’on veut voir au monde.

Courtesy of Lisa Granado
Courtesy of Lisa Granado

S’aimer radicalement permet de s’émanciper

Nous vivons dans une société qui nous pousse à nous détester. Quand j’ai commencé à m’aimer, radicalement, j’ai pu commencer à courir vers mon bonheur et décider que rien ne serait un frein.

L’amour de soi, c’est le long processus qui permet de s’émanciper des contraintes du monde. Alors, les jeunes, n’ayez pas peur de vivre votre meilleure vie : il faut ne faire aucune concession là-dessus ! La clé de son accomplissement personnel, c’est ne pas avoir peur de faire ce qu’on veut. Vous ne vous en remercierez jamais assez !

La série documentaire Sorcière Lisa de Camille Ducellier sortira le 18 avril sur France TV Slash, et dressera le portrait de Lisa en vidéo. On a hâte ! 

 

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Une publication partagée par Camille Ducellier (@kmille_ducellier)

À lire aussi : Je suis sirène professionnelle : j’ai créé le métier de mes rêves !

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Les Commentaires

29
Avatar de Trumart
19 avril 2021 à 19h04
Trumart
J'avais lu l'article et je viens de voir le documentaire qui lui est consacré (visible sur france tv slash) est c'est trop bien, j'ai adoré rencontrer Lisa (et ses ami.e.s) et admirer toute la liberté qu'elle s'offre, et il faut sacrément de courage pour ça, je suis super admirative ! (rien que de se balader dans la rue dans ses habits, je n'ose imaginer les remarques qu'elle doit se prendre...)

Elle parle de stigmate social comme étant la partie la plus compliquée à vivre, et je veux bien la croire...
Elle a un très bel univers personnel, créatif et la cerise sur le gâteau a l'air intelligente et s'exprime posément et avec des termes toujours bien choisis je trouve, je lui souhaite beaucoup de belles choses.

Merci pour l'article du coup !
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