Live now
Live now
Masquer
Source : Crédit photo : The Mighty Tim Inconnu from Dayton, United States of America, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons
Daronne

La fête des Mères, une célébration pétainiste ? C’est un peu plus complexe que ça

Connaissez-vous l’origine de la fête des Mères ? Et surtout : est-ce vraiment à cause de Pétain que chaque mois de mai depuis notre plus tendre enfance, on est obligé de bricoler un bibelot moche en classe ?

Je me suis longtemps cachée derrière l’idée que la fête des Mères est une création pétainiste pour masquer mon oubli persistant de cette célébration : « Enfin, tu ne veux quand même pas tomber dans ce piège réac inventé par Pétain ? » ai-je souvent répété à ma mère le lundi matin suivant, un peu honteuse d’avoir zappé l’occasion.

Je partais ensuite dans une diatribe contre l’esprit commercial de cette fête, argument qu’on peut ressortir aussi pour la Saint-Valentin et bientôt, j’en suis sûre, pour le 8 mars, qui dans quelques années aura été totalement absorbé par les marques qui ont bien flairé que le féminisme fait vendre.

Récemment, j’ai appris que mon argument tombait complètement à l’eau : même s’il a joué un rôle dans sa mise en œuvre, le maréchal Pétain n’a pas, un beau jour, sorti la fête des Mères de dessous son képi !

Aux origines du Mother’s Day

C’est d’abord aux États-Unis qu’il faut aller pour en savoir plus sur l’origine de la fête des Mères, ou plutôt du Mother’s Day, qui a été créé au début du 20e siècle par une institutrice de Philadelphie, Anna Jarvis, qui voulait rendre hommage à sa mère décédée.

La journée a des fondements très religieux ; l’initiative s’étend en quelques années et le Congrès américain vote l’instauration du Mother’s Day le 8 mai 1914. Cette nouvelle célébration aura lieu chaque deuxième dimanche de mai.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, la France emboîte le pas : à Lyon, en juin 1918, on célèbre pour la première fois la fête des Mères. Avant cela, dans quelques villes ici et là, comme à Artas, petit village de l’Isère, on décerne déjà le prix de « Haut mérite maternel » à deux femmes ayant eu neuf enfants. Chacune.

À lire aussi : Jouer avec mon bébé m’emmerde, suis-je la pire des mères ?

Récompenser les mères de familles nombreuses, ce n’est pas juste un beau geste sympa pour dire « beau boulot ! », cela fait partie à l’époque d’une vraie stratégie nataliste pour repeupler la France, plutôt à la traîne par rapport aux autres pays européens.

En 1920, le gouvernement français instaure la Journée nationale des Mères de familles nombreuses. Des Médailles de la famille française sont même décernées (cette distinction est d’ailleurs toujours remise aujourd’hui aux familles ayant élevé au moins quatre enfants qui en font la demande).

Fete_des_Meres-Felix_Regamey – Daronne
Affiche française de 1906

Célébrer les mères, enfin, les femmes (c’est la même chose, vous l’aurez compris)

C’est sous l’Occupation que la fête des Mères va être déployée. Le 25 mai 1941, voilà ce qu’on pouvait lire sur une affiche pour la célébration de la fête des Mères, conservée au Mémorial de Falaise :

« Ta maman a tout fait pour toi. Le Maréchal te demande de l’en remercier gentiment. »

Il n’y a pas de « sinon… », mais l’idée est assez claire : les enfants de l’époque n’allaient pas y couper.

Le régime de Vichy n’a pas créé la fête des Mères, mais il a dessiné les contours de sa version actuelle : « Pour la première fois, elle devint véritablement une fête nationale, célébrée dans toutes les écoles, et accompagnée de compétitions où les mères les plus prolifiques furent récompensées par des médailles d’or, de bronze et d’argent », écrit l’historien Eric T. Jennings.

C’est ainsi qu’est né le passage obligé de chaque enseignante et enseignant fin mai, leur défi annuel tant redouté : faire fabriquer un petit objet moche à une trentaine de mouflets pas très doués de leurs dix doigts.

L’idée, sous Vichy, est certes de célébrer la maternité, mais surtout de célébrer une certaine idée de la femme, la vraie : celle qui se dévoue à sa famille, qui s’occupe des enfants. On distille l’idée que la place d’une femme est au foyer à s’occuper de la marmaille et de la popote, peu importe ses aspirations profondes. Et bien sûr, elle le fait pour la France, gardienne de la moralité de notre jeunesse, du respect et de l’avenir du pays.

C’est cet esprit-là qu’on a retrouvé il y a quelques jours dans un tweet de François Bayrou qui fleure bon l’incitation à pondre — pas parce qu’on le souhaite, qu’on veut des enfants, mais pour la patrie, pour la Frônce, la compétitivité et la sauvegarde de notre pays :

Quelques années après la Libération, pas question de renoncer à la fête des Mères. Elle est finalement inscrite dans la loi le 24 mai 1950 et sa date désormais fixée au dernier dimanche de mai (ou au premier de juin en cas de Pentecôte) :

« La République française rend officiellement hom­mage chaque année aux mères françaises au cours d’une journée consacrée à la célébration de la “fête des Mères”. Le ministre de la Santé publique et de la population est chargé, avec le concours de l’union nationale des associations familiales, de l’organisation de cette fête. »

D’ailleurs c’est la même année qu’émerge la fête des Pères, mais son histoire n’est pas celle d’une grande célébration de la figure paternelle : elle est juste le fruit d’un brillant coup de pub du fabricant de briquets Laminaire, comme le raconte Ouest France.

En quelques années, toutes les marques, de l’électroménager à la bijouterie, se sont emparées de la fête des Mères, non sans évidemment, la bonne dose de sexisme qui va bien :

Voilà, vous en savez désormais un peu plus sur cette grande célébration de nos daronnes. Vous regarderez sûrement un peu différemment les cadeaux que vous avez offert petite (puisqu’ils traînent encore sur l’étagère de la cuisine depuis toutes ces années), ou vous resterez perplexe devant le tableau de gommettes que vous tendra fièrement votre progéniture.

Et peut-être même que, comme moi, vous perdez votre joker qui vous permettait d’oublier d’acheter des fleurs sans trop culpabiliser.


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

8
Avatar de audrey974
31 mai 2022 à 08h05
audrey974
@hellopapiméquépasa, pas besoin de contraception vu le nombre de personnes infertiles a cause du mode de vie (perturbateur endocrinien, pollution etc,,), la natalité risque de baisser encore!!
1
Voir les 8 commentaires

Plus de contenus Daronne

Source : Ridofranz de Getty Images
Couple

Son union lui a coûté 27,90 € : « le mariage le plus rentable de l’histoire ! »

Source : Motortion de Getty Images
Grossesse

Enceinte et obèse : « on m’a forcé à faire 2 fois le test du diabète gestationnel alors que je n’avais rien »

3
Livres pour enfants : les 10 meilleurs albums jeunesse en avril 2024
Daronne

Livres pour enfants : les 10 meilleurs albums jeunesse en avril 2024

Source : IherPhoto de Getty Images
Chère Daronne

Help, ma copine a un fantasme bizarre et j’ai du mal à l’accepter

6
Source : TerryJ de Getty Images Signature
Daronne

Dans la vie d’Émilie et sa belle-mère toxique : « Tu la portes comme une mama africaine »

2
Source : Brett Taylor de Getty Images
Daronne

Un bol anti-renversement pour les bébés ? Mdr, comme si ça marchait vraiment (la preuve en vidéo)

Source : @davidbeckham / Instagram
Musique

David Beckham filme la reformation éphémère des Spice Girls (et on veut en voir plus)

Source : -lvinst- de Getty Images
Food

La recette (facile) du flan coco

Source : Kaspars Grinvalds
Parentalité

Chronique d’une daronne : ces 3 trucs de mauvaise mère que je fais

1
Source : @LiciousKarma
Humeurs & Humours

Les trouvailles d’internet de la semaine du 15 avril

2

Pour les meufs qui gèrent