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« L’arbre d’amour » : au 18e siècle, la drague lourde s’accorde au féminin !

Est-ce que l’amour se trouve dans les arbres ? C’était comment, la drague au 18e siècle ? Est-ce que les femmes aussi pouvaient être des forceuses bien reloues ? Pour répondre à ces questions, nous décryptons chaque semaine un objet du passé qui en dit long sur des enjeux de société bien d’aujourd’hui…

De novembre à mars, le Mucem accueille Les Procès du Siècle ! Au programme : un cycle de passionnants débats autour des évolutions de la société, des luttes et des minorités, notamment de genres. Des thématiques au cœur de la ligne éditoriale de Madmoizelle, qui est partenaire de l’événement.

Ces débats s’appuient à chaque fois sur des « pièces à convictions », des objets tirés des collections du Mucem. La rédaction de Madmoizelle s’est associée aux conservatrices du musée pour vous décrypter six de ces pièces à conviction : des objets qui, comme dans un véritable procès, sont bien plus bavards qu’il n’y paraît… Aujourd’hui, penchons-nous sur le mystérieux Arbre d’amour !

La pièce à conviction du jour : L’Arbre d’amour

La scène est surprenante et un peu cocasse : des femmes agglutinées autour d’un arbre tentent par tous les moyens d’en faire descendre les messieurs effrayés accrochés aux branches. Il y a celles qui tapent les feuilles à grands coups de bâton, celle qui escalade une petite échelle, et deux demoiselles très déterminées qui sont carrément occupées à scier le tronc de l’arbre.

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Estampe, L’Arbre d’amour, lithographie sur papier, XIXe s., crédit Mucem

Voici un sujet très à la mode au 18e et au 19e siècles : L’Arbre d’amour. Il est si populaire qu’il se retrouve sur des milliers d’estampes comme celle-ci, ces impressions peu coûteuses qui permettaient de décorer les foyers sans se ruiner. Pas besoin de chercher bien loin pour le retrouver aussi sur des plats, assiettes ou autres céramiques décoratives. Avec, à chaque fois, des messieurs effarouchés par des demoiselles très entreprenantes. La scène est volontairement caricaturale et destinée à faire rire… Mais est-elle si drôle que cela ?

Quand la blague n’en est pas une

Ce genre de motif vient d’une longue tradition, celle des « mondes à l’envers » : comme au carnaval, ce sont des moments où les rôles traditionnellement attribués par la société sont inversés, que ce soit dans les rapports de classes ou entre hommes et femmes. Ici, dans cette situation de séduction, les femmes incarnent le rôle du dragueur lourd et sont dans une posture de séduction active, voire agressive. À l’opposé, les hommes se retrouvent dans le rôle de la proie effarouchée.

Une inversion des rôles qui paraît d’autant plus improbable à cette époque où les femmes sont considérées toute leur vie comme mineures, soumises à l’autorité de leur père puis de leur mari, et dont la sexualité est sévèrement surveillée, contrôlée, codifiée.

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Saladier, L’Arbre d’amour, faïence de Nevers, 1773, crédit Mucem

Le verdict : une image subversive peut cacher un discours bien réac’

Après avoir minutieusement observé ces pièces à conviction, voici ce que nous révèlent ces Arbres d’amour : en apparence subversives, parce qu’elles semblent donner du pouvoir aux femmes, ces images sont en réalité complètement sexistes. Elles tournent en ridicule une situation perçue comme impensable, hors norme… Et en moquant cette inversion des rôles genrés, ces images servent surtout à maintenir l’ordre établi en décourageant toutes celles qui voudraient le remettre en question !

Dézoomons un peu : si ces images cartonnent à la fin du 18e siècle et au 19e siècle, c’est sans doute parce qu’il s’agit d’une période particulièrement misogyne. C’est l’époque des premiers grands mouvements féministes, réclamant davantage d’égalité et alertant sur les violences infligées aux femmes. En réaction se construit immédiatement un solide discours anti-féministe, un backlash (ou « retour de bâton ») qui moque ces femmes avides d’indépendance, sur le refrain bien connu du « Elles vont trop loin ! Regardez, si on les laisse faire, ce sera le monde à l’envers ! »

Une petite musique pas si éloignée de certains discours post #MeToo, qui continuent de minimiser et de décrédibiliser de manière méthodique les prises de parole de femmes dénonçant les oppressions qu’elles subissent.

#MeToo en dates clés

Et notamment la drague lourde non sollicitée et le harcèlement que vivent la plupart des femmes. Des situations sexistes qui existent depuis des siècles et que ces images de L’arbre d’amour semblent détourner pour mieux les encourager. Mais des situations qui sont aujourd’hui devenues intolérables, et qui ne peuvent plus être minimisées ou moquées. C’est ce que montrait l’avalanche de témoignages sous le hashtag #MeToo : la récurrence, la banalité, le côté systémique de ce harcèlement. Et surtout, l’impact que ces situations récurrentes ont sur les vies de ces femmes, sur leur rapport aux hommes, à la séduction et à l’espace public.

De l’Arbre d’amour à l’ère post #MeToo

Parce qu’elle faisait prendre conscience de l’ampleur du phénomène, en le rendant impossible à balayer d’un revers de la main, la vague #MeToo a posé les fondations d’un nouvel ordre et de nouvelles normes plus égalitaires dans les rapports entre les femmes et les hommes, qui valorisent la communication et l’expression du consentement.

Aussi cet Arbre d’amour, en estampe ou en assiette, est la pièce à conviction parfaite pour instruire le Procès du Siècle qui s’est tenu fin janvier sur le sujet « Avoir 20 ans après #MeToo : c’est vraiment mieux ? ». Comment draguer aujourd’hui ? Est-ce qu’il y a toujours autant de relous ? Qu’est-ce que #MeToo a changé dans les rapports de séduction entre les femmes et les hommes ? Ces questions ont été au cœur du débat entre l’influenceuse et militante Camille Aumont-Carnel et la sociologue Irène Théry, avec la participation d’Amélie Lavin, conservatrice au Mucem.

La captation de cette soirée est à retrouver très prochainement sur le site du musée ! Et rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir une autre pièce à conviction…

Pour découvrir le reste du programme des Procès du Siècle

À lire aussi : Cinq ans après, la « révolution #MeToo » n’est-elle qu’une chimère ?


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